Ma mission à Jura-Afrique

En dehors de l’accompagnement sur le terrain des charges de mission qui m’a permis de me rendre compte non seulement en quoi consiste les activités génératrices de revenus mais également de toucher du doigt les conditions de vie des béninois, j’ai pu observer le fonctionnement d’une ONG à travers d’autres expériences au siège.

Soutien à la fonction finance

Au cours de ces 3 semaines, j’ai l’occasion de travailler avec Carine, comptable et secrétaire de l’ONG, une pimpante jeune femme, très féminine et élégamment apprêtée. Elle attend de moi de l’aide sur ses tableaux de gestion : elle me libre le rapport d’audit des comptes de 2017 dans lequel sont mentionnés plusieurs points de contrôle interne.

Carine et Bertin préparent le nouveau canevas budgétaire demandé par Jura-Afrique Suisse. Il s’agit de documents Excel préparés par le pourvoyeur de fonds qui servent de système de reporting. J’assiste à différentes réunions budgétaires auxquelles sont associés les chargés de mission. Outre l’aspect financier, ces documents incluent de nombreux objectifs quantifiés. La moindre de leurs activités est décortiquée. Je suis impressionnée par ce cadre très formalisé et précis et par la qualité de l’équipe.

J’ai également l’occasion de faire la connaissance avec 2 membres du Conseil d’Administration : ils m’expliquent l’histoire de cette structure née dans les années 80 suite à une épidémie de rougeole.

Partenariat avec African Parks

Le gouvernement béninois a confié pour 10 ans la gestion du parc Penjari jouxtant la commune de Tanguieta à la frontière avec le Burkina Faso à une groupe privé sud africain. Le Directeur Exécutif de Jura-Afrique, entouré de tous ses chargés de mission, reçoit le Directeur Adjoint d’African Parks. Je demande à pouvoir assister à la réunion.

Un vrai sketch … Nous sommes 6 à accueillir une caricature de l’homme d’affaire africain, imposant, sûr de lui, obséquieux. Le parc va être entièrement clôturé afin de préserver la faune : par voie de conséquence, le braconnage ne sera plus possible. Aussi, en compensation, il souhaite « aider » la population en soutenant le développement d’activités génératrices de revenus : il a choisi l’apiculture et espère s’appuyer sur l’ONG Jura-Afrique dont c’est une des activités. Il met en avant la visibilité dont bénéficiera l’ONG en plus des moyens financiers pour s’équiper en ruches et le soutien qu’il peut avoir auprès des institutionnels.

Nicolas essaie de l’intéresser à son élevage de poulets et poules pondeuses avec lequel il va former des jeunes. L’homme d’affaires ne réagit pas : il est plutôt intéressé par le développement du marché artisanal, espérant toucher une plus grande partie de la population active. Manifestement il n’a pas intégré dans sa démarche de développement du parc, le « sourcing » local en produits frais issus d’une agriculture écologique à offrir aux touristes. Dans la suite de mon séjour, j’apprends que finalement, Nicolas a réussi à se faire entendre.

J’ai vraiment le sentiment d’avoir vécu un moment privilégié à la fois historique et interculturel très intéressant.

Une vision extérieure

Pour ma dernière journée à Tanguieta, je remets, à la demande du Directeur Exécutif, M. M’Borinati, ma vision de l’ONG. Il m’avait demandé en fin de semaine dernière de présenter, selon moi, les forces/faiblesses de la structure et les menaces/opportunités. C’est en fait une occasion pour lui de se rendre compte de l’image qui transparaît, de recueillir des impressions qui peuvent être significatives, de l’éclairer par des réflexions ou des suggestions. C’est une preuve d’ouverture, de finesse, d’intelligence de la part de cet homme très discret avec lequel j’ai eu jusqu’ici du mal à communiquer. Il m’explique qu’il est devenu DE depuis peu après avoir passé plus 20 ans dans l’ONG, sur le terrain. Il fait preuve d’une grand humilité. J’ai apprécié la confiance qu’il m’a accordée et l’en ai remercié. Il a apprécié que j’en fasse autant. Nous avons vraiment pu aborder ouvertement et avec un respect mutuel les difficultés liées aux profils de ses animateurs, leurs parcours, leurs ambitions personnelles, l’organigramme. Il me demande ensuite d’en faire la présentation aux 3 animateurs. J’ai le plaisir d’animer cette réunion lors de laquelle écoute, questionnements, éclaircissements, échanges et remerciements sont de la partie.

Et puis tous, comme ces derniers temps, ils me demandent, chacun à leur manière, mais avec insistance, ce que je peux leur apporter, comment je peux les aider …  Il y a celle qui a besoin d’un forage pour transformer plus facilement les noix de karité, celui qui a besoin d’un château d’eau et de panneaux solaires pour irriguer son maraîchage, celui qui a besoin d’obtenir de meilleurs poulets, celle qui souhaite venir en France … les besoins sont immenses. La demande du DE finalement est la plus simple à exaucer : des vêtements, des souliers, des livres, des jouets, des fournitures scolaires …. Dans l’immédiat je leur remets une clé USB avec 350 photos.

Avec l’aide de Bio et sa zem, j’organise un petit pot à la Maison des Volontaires. Pour cette occasion et comme toutes les fins de semaine, il se sont habillés en costumes traditionnels. Ils viennent tous, sans exception, partager quelques bières et sodas autour d’un plateau de pop corn et de beignets de crevettes que Bio a préparé pour moi. Ce petit pot s’éternise jusqu’à 21h. ll me reste les valises à faire : demain départ à 6h.

Bio, fidèle, sera là avec ses sandwichs pour le long voyage en bus vers Cotonou. Lui n’a jamais rien demandé : il a été attentionné, ne me laissant jamais seule quand les autres volontaires sont parties. Il m’a montré sa maison, ses champs, présenté sa femme et ses enfants. Je suis toujours en contact sur WhatsApp avec lui ainsi qu’avec Françoise, David, Nicolas et Pascal.