C’est parti pour 3 jours en compagnie de Robert Offio, chargé de mission pour l’ONG Ile de Paix. Cette ONG est hébergée dans les locaux de Jura-Afrique. On part en 4*4 en direction de Matéri puis Cobly et Boukoumbé à la frontière togolaise. 3 jours de piste !
Les paysages sont splendides, les champs bien entretenus et bien verts, des cases, des maisons tatas, des enfants jouant dans les bouts de rivière, des tas de branches au bord des routes, des énormes baobabs, des tecks en fleurs, des manguiers sous lesquels il fait bon se reposer, la piste de terre rouge contrastant avec le ciel bleu et le vert des champs … seule la chaleur humide quand la pluie n’a pas rafraîchi l’atmosphère est pesante.
Ile de Paix est une ONG belge créée par des enseignants. Ils ont 2 programmes qu’ils déroulent sur 3 communes comprenant chacune 13 villages. Au total, ce sont 190 foyers ruraux qui sont aidés à travers un programme d’Activités Génératrices de Revenus (AGR) tel celui de l’ONG Jura-Afrique et un programme visant à améliorer la sécurité alimentaire. Pour cela, 2 axes d’actions :
1/ Inciter à des pratiques d’agroécologie : utiliser au moment de la plantation du compost réalisé en 7, 14 ou 21 jours ; limiter la perte d’eau en travaillant sur la surface du sol ; associer des légumineuses à chaque culture afin d’apporter de l’azote ; planter du Mung Bean venu d’Inde dont le développement est aisé et les qualités nutritionnelles sont exceptionnelles ; traiter les invasifs à l’aide de décoctions à base de feuilles de certains arbres locaux ;
2/ Optimiser les revenus en maîtrisant le prix de vente de la production : actuellement chaque famille se rend au marché pour vendre, selon ses besoins, une partie de sa production, perdant du temps sur de longues routes, subissant l’assaut d’acheteurs professionnels agressifs, n’ayant aucune maîtrise du prix de vente. Le résultat de leur travail est souvent bradé pour subvenir aux besoins urgents et aux tentations (alcool notamment). Aussi l’ONG les forme à deux pratiques collectives soit en organisant un Groupement de Vente soit en choisissant le « Warrantage ». Dans le Groupement de Vente, le groupe élit un bureau qui recherche un acheteur auquel vendre en une seule opération, celui-ci venant sur place chercher sa marchandise. Dans le « warrantage », les familles sont autonomes : leur objectif est de vendre au meilleur cours possible, la production étant conservée en garantie dans un magasin sous clé. Les familles ont recours temporairement au micro-crédit pour subvenir à leurs besoins.
Le chargé de programme leur apprend à mettre de côté la partie de la production pour leur auto consommation en étant prévoyant, à isoler la production à vendre, à tenir un jardin de case distinct des champs cultivés pour leurs besoins en condiments de façon à éviter d’aller au marché dépenser leur argent pour cette raison et d’autres.
Toutes ces nouvelles pratiques amènent les villageois à devoir se concerter …. ce qu’ils ne savent absolument pas faire !!!!!! Ils sont aidés par des animateurs qui les suivent sur le terrain selon une planification convenue avec le chargé de programme qui gère le budget accordé par l’ONG européenne.
La philosophie d’Ile de Paix est d’inciter les villageois à devenir acteurs et autonomes. Cela passe par savoir poser un problème, en parler ensemble, en parler au chargé de programme, contribuer à trouver une solution, s’organiser, faire confiance aux autres … et cofinancer tous leurs besoins. Rien ne leur est donné gratuitement : le temps où les aides étaient abondantes est révolu.
C’est un changement de mentalité également dans les relations au sein des couples : les femmes ont l’occasion de s’investir selon leur propre volonté pour leurs propres champs et se montrent bien souvent plus audacieuses que les hommes.
Ce n’est pas pour rien que Robert, de formation en sociologie a été choisi pour mener toutes ces actions.
Lors de nos visites, nous sommes généralement reçus sous un énorme manguier qui nous procure de l’ombre : on nous apporte des bancs ou des fauteuils en rotin, les villageois se contentant souvent d’un simple tronc d’arbre. Le chef du village n’est pas toujours là.
Rares sont ceux qui parlent français : le nombre de dialectes parlés dans le pays est important. Le chargé de programme ne parle pas ces dialectes aussi l’animateur traduit chacun des propos. Le message déjà délicat à faire entendre, est-il bien transmis ? L’analphabétisme est largement répandu : c’est d’ailleurs avec un tampon encreur qu’ils signent la feuille de présence de leur empreinte.


Bien que programmées, nos visites ne rassemblent pas tous les villageois : la priorité est donnée aux travaux des champs et personne n’a de montre alors, quand on arrive à l’horaire convenu, on est souvent très seuls et là commence une longue attente. En général les mères avec les jeunes enfants sont présentes et peu à peu les autres sortent des champs et rejoignent le groupe. Les animateurs eux-même ont l’art de ne pas être présents à l’endroit convenu à l’heure convenue ….
Kounadogou est village est le plus avancé du programme. On est accueilli par la chef du village, une femme souriante et énergique. Un cercle est formé et les femmes commencent à chanter et à taper dans leurs mains : un danseur s’avance, tape des pieds, va chercher un partenaire puis ils se replacent dans le cercle, un autre commence et …. vient me chercher ! Me voilà au centre du cercle a essayé d’en faire autant ! Dans la joie et la bonne humeur, en toute simplicité … cela réchauffe le cœur !
Après les échanges vient le temps de visiter des champs école : c’est l’occasion de constater qu’effectivement les champs enrichis en compost plutôt qu’en engrais chimique affichent une belle croissance, que les maïs attaqués par les chenilles ont pu être sauvés grâce aux décoctions, que les mung bean donnent bien … Ces observations devraient encourager ceux qui sont encore réticents à se lancer.



Et pour agrémenter notre quotidien, repas à base de pâte d’igname pilé, sauce piquante, quelques feuilles qui traînent dans la sauce … la fois où j’ai pu avoir du riz blanc et 2 bouts de fromage de bœuf en plus c’était du luxe ! Je ne suis pas sûre que seule j’aurai osé prendre un repas dans ces « restaurants » … et pourtant je n’ai jamais été malade.



Pas d’entrée, pas de dessert, une bière pour finir et le tout pour …. 75 cts d’euros !! Quant à la chambre d’hôtel, finition très approximative mais propre : 10 euros la nuit !! Pour bien comprendre, quel est le niveau de vie : j’ai pu avoir accès au salaire du chargé de programme : 390000 FCFA soit 500 euros ! Une question d’échelle … Le Bénin est des pays les plus pauvre d’Afrique.
Je suis de retour à 18H30 vendredi, juste à temps pour passer la soirée au restaurant avec mes collègues volontaires de Planète Urgence : elles ont invité tout le staff d’Actions & Développement pour débriefier sur leurs missions : demain elles prennent le bus pour Cotonou à 7h du matin. On a vraiment passé de bons moments toutes les 6 : elles vont me manquer d’autant que les prochaines volontaires n’arrivent que dans 2 semaines, après mon départ.