Matéri : le projet entrepreunarial de Pascal

Mes collègues volontaires ont pris le bus à 7h du matin. Me voilà seule mais entourée par Françoise et Bio toujours là au moment des repas et si attentionnés. J’ai rendez-vous à 14h avec Boukari, un des chauffeurs de Planète Urgence. C’est un guide du parc, un fin connaisseur de la faune et de la flore locale. Avec lui je découvre des oiseaux minuscules gracieux et colorés tel que ce petit rouge et noir aux ailes blanches si délicates !

Françoise
Boukari

En fait un orage se prépare et très vite il nous faut nous mettre à l’abri. Il ne trouve rien de mieux qu’une case de 4 m2, toute sombre, sans fenêtre, avec son occupant à même le sol, sur une natte, un pneu, une moto et un fil pour ranger ses quelques vêtements … La pluie est tellement forte qu’il ferme la porte : nous voilà juste éclairés par quelques trous dans la tôle qui nous sert de toiture ! Et cette pluie qui n’en finit plus …. A aucun moment je me suis sentie mal à l’aise mais le temps m’a paru long ! On repart dès que la pluie a cessé. Mon guide est tout tremblotant de fièvre : il souffre d’une crise de paludisme. On décide d’interrompre notre expédition. Je lui donne une tablette de doliprane et on finit la journée autour d’une tisane à discuter de la vie au Bénin.

Le lendemain, j’ai rendez-vous avec Pascal, le chargé de programme de Jura-Afrique sur la protection de l’environnement. Il a prévu une longue virée vers chez lui du côté de Matéri. Cette fois la météo est avec nous. Le premier arrêt est Yatabouli pour visiter la ferme CAP Sainte Trinité : il a monté cette ferme en association avec un copain formé en élevage en obtenant le permis d’exploiter 6 ha auprès de la mairie. Il y a un forage manuel dont il a obtenu le financement par une congrégation de sœurs du village qui l’ont accueilli tout petit, au décès de son père. Celles-ci lui ont récemment confié 2 jeunes très motivés tant pour l’aider dans son projet que pour les former. Il a un élevage de moutons, de poulets, canards et pintade, des vaches. Une partie de la surface sert à fournir du maïs pour ses élevages. L’étape suivante de son projet est de créer une exploitation maraîchère. Pour cela il faut pouvoir équiper le puits avec un château d’eau et des panneaux solaires. Budget : 5000000 FCFA. Pascal explique que rares sont les jeunes issus des formations agricoles qui osent s’installer à leur compte : le gouvernement et les politiques ne font pas grand chose pour les aider. Les emplois dans les ONG ne sont pas pérennes : avoir sa propre affaire et ses propres champs est une question de survie, une assurance.

Seconde étape : rendez-vous avec le maire de Matéri dans son bureau climatisé. C’est un ancien ingénieur agronome. La sécurité alimentaire est sa seule préoccupation. Je suis honorée de cette visite mais je commence à me demander pourquoi Pascal a organisé ce rendez-vous ?

Pascal m’invite ensuite chez lui rencontrer, dans sa nouvelle maison, sa jeune femme et son petit garçon. Ils m’offrent le repas en tout simplicité en même temps qu’une de leurs relations.

Pascal

Troisième étape : la ferme de Te Di Suu. Elle existe depuis une dizaine d’années. C’est en quelque sorte un modèle inspirant pour Pascal. J’y vois des vaches, des lapins, des poulets, des champs, un château d’eau qui fonctionne avec un groupe électrogène mais pas de maraîchage. En fait cela a l’air d’être le plus difficile à réaliser : d’ailleurs il existe très peu de légumes frais dans les marchés, quelques petites tomates cueillies vertes car le temps humide n’est pas propice à leur conservation, des légumes feuille, des ignames … et c’est tout. Le propriétaire de cette ferme a bien réussi : il a été aidé par le Rotary Club d’Asnières et des scouts de Poitiers. Il a son propre bar-restaurant en plus qu’il alimente avec la production de la ferme. Il a aussi un petit business simple et rentable de production de grillage. Enfin il soutient un groupement de femmes : un volontaire va venir pendant 2 ans pour les aider en alphabétisation et en économie familiale. Endimanché et habillé tel un homme d’affaires branché africain, chaîne dorée bien épaisse autour du coup … il porte sur lui sa réussite !

Quatrième étape : la visite d’un élevage de chevaux et d’autruches appartenant à M. Le Cornec, un français. Il a également quelques huttes pour recevoir des invités et a sa propre maison quand il y séjourne.

La dernière étape est la ferme pass Tyam soutenue par des ONG : agro-foresterie, pisciculture, élevage. L’orage se prépare : on s’abrite sous un hangar à côté d’un tracteur … Tiens ça existe ici ?

Je remercie Pascal pour cette belle journée. Je comprends que l’ensemble de ce périple a été organisé avec l’intention de me sensibiliser à son projet, à ses besoins, espérant que je pourrai, comme les sœurs, le Rotary Club, les entrepreneurs français qui ont osé investir ici, pouvoir faire quelque chose pour lui. Il m’a présenté le maire du village, notable, pour m’indiquer qu’il a ses entrées locales, qu’il est reconnu et soutenu. Je n’étais pas préparée à cela. Il a besoin de financer son château d’eau et ses panneaux solaires : comment puis-je l’aider ?