Weberi Tchodama : fabrication du beurre de karité

La fin de mon séjour approche. Ce matin nous partons Lucencia et moi rencontrer un groupement de femmes de Tanguieta qui transforme les noix de karité en beurre. Les étapes sont nombreuses :

  • 1/ concassage et torréfaction
  • 2/ écrasage au moulin
  • 3/ barattage avec un peu d’eau : l’opération est longue jusqu’à ce que la pâte blanchisse
  • 4/ ajout d’eau chaude : la matière « caille » en surface.
  • 5/ lavages pour récupérer en surface cette mousse
  • 6/ cuisson : la mousse depuis de l’huile
  • 7/ décantations multiples pour supprimer les résidus soit en surface soit au fond
  • 8/ refroidissement
  • 9/ mélange

Tout cela se passe entre femmes, à même le sol, de façon extrêmement artisanale ; les petits enfants tournent autour, gardés par les unes ou les autres à tour de rôle ; on blague en dialecte local ; on papote sans cesse ; on va et on vient … et la vie suit son cours.

Ce groupement est encadré par une femme de 63 ans, ancienne aide-soignante à la retraite de l’hôpital Saint Jean de Dieu. Leur production est principalement vendue à l’hôpital pour soigner les plaies. Le beurre de karité sert également d’huile pour la cuisson. Il est incroyable de constater que des noix brunes puissent par un tel procédé artisanal donner du beurre de couleur vanille !

Barratage
Noix écrasées au moilin
Huile de karité chauffée
Beurre de karité refroidi

Avec 30 kg de noix, elles fabriquent un large pot de beurre de karité qu’elles vendent à 6000 FCFA et cela leur procure un bénéfice de 3600 FCFA, le temps de préparation n’étant pas compté. C’est de loin l’Activité Génératrice de Revenus la plus rémunératrice. Je m’arrange à lui acheter un gros pot qu’elle va me mettre en sachets pour faciliter le transport. Je vais essayer de voir si cela plait autour de moi et pourquoi pas leur trouver un marché d’écoulement ?

Je l’interroge sur les maux qui frappent les béninois. Elle me parle de cette époque où elle a assisté à la montée du sida et à la longue attente avant d’avoir les premiers médicaments : sa mission consistait alors à aller à la rencontre des malades qui se terraient dans leurs cases … Aujourd’hui, c’est le paludisme qui fait le plus de ravage. Le taux de mortalité infantile est élevé. La mal nutrition est également un problème ainsi que les accidents de la route. Ont-ils les moyens de diagnostiquer les cancers et maladies neurodégénératives qui affaiblissent les pays développés ?

Sur le chemin du retour, Lucencia m’amène rencontrer un autre groupement de femmes : on m’explique que l’éloignement du puits empêche ces femmes de travailler dans des conditions efficaces. Je cherche à savoir pourquoi elles ne peuvent pas avoir un puits plus prêt : je comprends qu’elles attendent de moi que je fasse quelque chose ! Me voilà bien désemparée …

Soudain, une jeune fille nous attire vers une case à l’écart et nous invite à entrer. Je tombe nez à nez avec cette vielle femme assise sur sa natte, immobile, comme en méditation … Je comprends que cette femme est aveugle. Je suis gênée. La jeune fille me demande de la photographier !

Elle ne cherche ni à voir la photo sur l’écran de mon appareil, ni à l’obtenir. Elle pense juste que cela aidera sa grand-mère …