Voyager autrement

Les voyages ont marqué ma vie depuis toujours. Je crois même que j’ai cela dans les gênes : mes ancêtres ont navigué dans le bassin méditerranéen à la recherche de meilleures conditions de vie. Pendant mon adolescence, j’ai été marquée par 2 grands voyages, en Grèce et en Espagne, en voiture depuis Marseille et en camping puis par une magnifique randonnée itinérante et un bivouac incroyable dans le Parc du Mercantour avec des amis. Il ne m’a pas été difficile à 19 ans de quitter la Provence pour le Nord pour 3 ans d’études. A partir de là, j’ai eu la chance de pouvoir voyager et naviguer en couple puis en famille vers des destinations de plus en plus lointaines. Aujourd’hui mes enfants sont des citoyens du monde.

Quand on a quelques semaines de congés et qu’on part loin, on a envie d’en voir le maximum. Tout est prévu à l’avance : l’itinéraire est optimisé ; les hébergements sont réservés ; les visites sont prévues : on suit un roadbook sans pouvoir passer plus de temps à un endroit, sans pouvoir suivre une rencontre, une recommandation ; on renonce à un tas d’opportunités. J’ai découvert le bonheur de l’itinérance en naviguant à la voile : déplacer son toit au gré du vent et des envies, se laisser surprendre par la découverte d’endroits vierges et isolés, par une rencontre tout simplement. J’ai retrouvé cette liberté en Nouvelle-Zélande et en Australie en voyageant en van. Voyager ainsi est un retour vers l’essentiel.

Mon projet a pour essence une autre façon de voyager basée sur l’itinérance, le voyage au long cours. Que chaque jour soit une surprise, vécue en pleine conscience, ouverte aux rencontres et au partage, guidée par l’instinct.

Le monde est un livre et le voyage la façon de s’abreuver à cette source inépuisable de connaissances, d’enrichissement, d’expériences, d’opportunités de rencontres, un chemin vers les autres.

Mon ambition est de vivre dans le monde, à la façon de, avec les autres et d’apprendre, me nourrir, partager, diffuser tout ce qui fait la beauté et la dureté de la vie à la fois. Je souhaite aller à la rencontre des voyageurs, des habitants, des commerçants, des entrepreneurs sociaux et des associations œuvrant pour la préservation de la planète, l’autonomie des femmes, l’éducation des enfants. Je souhaite privilégier les modes de déplacements doux : la marche, le vélo, les trains, les bus et éviter autant que possible de prendre l’avion. Je ne le prendrai que par nécessité professionnelle ou contrainte géographique et désir de revoir les miens. Le voyage peut lui aussi être durable.

Depuis une quinzaine d’années, j’ai fait des choix de vie et modifié mon comportement en devenant une citoyenne consommatrice actrice du développement local. J’ai adhéré à une Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne soutenant un maraîcher qui cultive en agriculture biologique et agro-dynamie ; j’ai isolé autant que possible ma maison ; j’entretiens mon jardin depuis toujours sans aucun produit chimique ; je composte tous mes déchets organiques, « multche » en tondant ma pelouse et trie tout ce qui est recyclable jusqu’à la moindre feuille imprimée sur un seul côté ; je roule en voiture électrique ; j’ai obtenu un service de transport public à la demande pour mon inter-communalité rurale permettant à tous de rejoindre une gare ou de se rendre en toute autonomie dans un autre village …

Aujourd’hui je souhaite apporter ma petite pierre à une toute autre échelle. J’ai découvert au Bénin l’action des ONG œuvrant pour le développement des activités génératrices de revenus en faveur des femmes et des jeunes, pour la diffusion des pratiques d’agro-écologie et des foyers améliorés, pour la sensibilisation à la protection de l’environnement. J’ai été transportée par ces actions et par l’ampleur de la tâche à accomplir, l’urgence pour des populations extrêmement démunies qui travaillent tous les jours pour leur sécurité alimentaire.

Dans nos pays riches et développés, dans nos maisons bien équipées, dans nos voitures individuelles, dans nos supermarchés débordant de victuailles, pendant nos vacances dans nos hôtels confortables, nous sommes très loin de nous rendre compte de ce qui se passe ailleurs. Certes les médias sont là pour nous en parler et nous avons l’information au bout des doigts en permanence mais pour moi cela ne suffit pas.

Et puis le monde change et s’uniformise à toute vitesse … Sylvain Tesson, dans une interview au Monde parle justement de « starbuckisation du monde ». Cet article résonne en moi comme une confirmation. Je ressens le besoin urgent, à mi parcours de ma vie, de quitter le cocon bien protecteur de ma maison pour aller voir au delà de ce qu’on voit à travers nos écrans, ce qui reste de différent, d’authentique, de spécifique, d’emprunter dès maintenant des chemins de traverse.

Je veux vivre dans le monde, aller voir par moi-même, toucher du doigt cette réalité et contribuer avec mes moyens. Cette démarche demande d’aller vers l’inconnu, d’aller au delà des rubriques classiques des guides touristiques, de se dépasser. Aimer voyager est une chose ; voyager seule par moi-même dans la durée, à la rencontre des autres, avec l’intention de témoigner et de contribuer en est une autre. J’ai l’intime conviction que mon terrain de jeu est la planète.

Le chemin vers les autres me mènera certainement à un chemin vers moi-même et cette double curiosité renforce ma détermination.

Tu ne peux pas voyager sur le chemin sans être toi-même le chemin. Bouddha