Le Kilimandjaro ou Kilimanjaro est une montagne située dans le Nord-Est de la Tanzanie et composée de trois volcans : le Shira à l’ouest, culminant à 3 962 mètres d’altitude, le Mawenzi à l’est, s’élevant à 5 149 mètres d’altitude, et le Kibo, le plus récent géologiquement, situé entre les deux autres et dont le pic Uhuru à 5 895 mètres d’altitude constitue le point culminant de l’Afrique. Outre cette caractéristique, le Kilimandjaro est connu pour sa calotte glaciaire sommitale en phase de retrait accéléré depuis le début du xxe siècle et qui devrait disparaître totalement d’ici 2030 à 2050. La baisse des précipitations neigeuses qui en est responsable est souvent attribuée au réchauffement climatique mais la déforestation est également un facteur majeur. Ainsi, malgré la création du parc national en 1973 et alors même qu’elle joue un rôle essentiel dans la régulation bioclimatique du cycle de l’eau, la ceinture forestière continue à se resserrer. En effet, la montagne est notamment le berceau des pasteurs maasaï au nord et à l’ouest, qui ont besoin de prairies d’altitude pour faire paître leurs troupeaux, et des cultivateurs wachagga au sud et à l’est, qui cultivent des parcelles toujours plus étendues sur les piémonts, malgré une prise de conscience depuis le début du xxie siècle.
La saison propice pour cette ascension est de juillet à octobre ou en janvier-février afin d’éviter la saison des pluies. Nous sommes partis en octobre. La météo annoncée pour la semaine est à la pluie, comme si la petite saison des pluies avait déjà commencé …
Nous nous envolons pour une semaine week-end compris par un vol de nuit via Doha pour Kilimandjaro Airport. Au total, il nous faudra 15 heures de vols et transfert à l’aller et au retour. Nous faisons connaissance avec les autres participants de Terres d’Aventure dans le minibus qui nous amène de l’aéroport au lodge où le guide, Abeid, nous attend pour un briefing technique suivi d’une vérification du contenu de nos sacs.
Uhuru Peak est accessible par plusieurs voies : Marangu, Machame, Rongaï, Shira et Western Breach. Nous avons choisi d’emprunter la voie Machame en six jours et de redescendre par la voie Mweka. L’acclimatation à l’altitude se fait plus progressivement par la voie Machame ce qui nous met en meilleure situation pour atteindre le sommet. Le taux de réussite est de l’ordre de 60 à 70%.

Le programme :
J1 : Village de Machame (1800 mètres) – Machame Camp (2980 mètres) : 4 heures de marche – 10 km – dénivelé +1200 mètres
J2 : Machame Camp – Shira Cave (3840 mètres) : 4 heures de marche – 6 km – dénivelé +860 mètres
J3 : Shira Camp – Lava Tower (4640 mètres) – Barranco Camp (3960 mètres) : 6 heures de marche – 12 km – dénivelé +790/-680 mètres
J4 : Barranco Camp – Karanga Camp (3995 mètres) : 3 heures de marche – 5 km – dénivelé +460/-350 mètres
J5 : Karanga Camp – Barafu Camp (4640 mètres) : 2 heures 1/2 – 5 km – dénivelé +600 mètres
J6 : Barafu Camp – Uhuru Peak (5895 mètres) – Mweka camp (3100 mètres) : 12 heures de marche – dénivelé +1300/-2800 mètres
J7 : Mweka Camp – Mweka Gate (1640 mètres) : 3 heures de marche – dénivelé -1600 mètres.
Première journée
Au village de Machame, sous la pluie, nous nous enregistrons au bureau des guides et attendons que les porteurs préparent et pèsent leurs sacs. Ils portent 12 kg sur leur dos et 20 kg sur la tête au maximum, constitués de nos sacs de nuit, des tentes, des matelas, des sièges et tables, du nécessaire de cuisine et des vivres. Habillés et chaussés pour certains très sommairement, nous avons mal pour eux de les voir porter de tels poids dans des paniers et sacs peu transportables. Seule l’eau sera recueillie sur place : il nous faudra la purifier avec de pastilles d’Aquatabs. Notre groupe constitué de 13 participants est accompagné par une trentaine de guides, cuisiniers et porteurs. Une vraie expédition !




Nous commençons l’ascension en début d’après-midi à travers une forêt dense et inextricable de caoutchoucs, fougères géantes, bégonias et ficus. Le cuisinier est parti devant et, en chemin, il nous sert un repas chaud sous la tente mess.

Petit à petit la végétation se modifie : la forêt tropicale laisse place aux hautes herbes et bruyères géantes. La première nuit sous tente au Machame Camp nous permet de découvrir comment va s’organiser notre vie pendant la semaine à venir… Le ciel se dégage pendant la nuit et nous nous couchons en profitant d’un magnifique ciel étoilé.
Deuxième journée
C’est sous un grand soleil et avec un « morning coffee » servi devant la tente que nous sommes réveillés ! Des crêpes nous attendent également dans la tente mess 🙂 Avant de petit-déjeuner, nous sortons nos sacs des tentes ; pendant le petit-déjeuner, les porteurs démontent le camp.

Nous entamons cette deuxième journée de marche face à Uhuru Peak, notre objectif, par un chemin escarpé à travers savane, pierres volcaniques et bruyères à barbes de lichen. Les premiers séneçons géants, tels des sentinelles gardiennes d’un trésor se dressent autour de nous. Le sentier nous conduit à travers un paysage fantomatique de laves volcaniques, de grottes, de ruisseaux, au bord desquels poussent les séneçons.


En milieu de journée, la brume nous rattrape … jusqu’au Shira Cave Camp à 3 750 mètres.





Troisième journée
La nuit a été nettement plus froide. Les gouttes d’eau ont givré sur la toile des tentes. J’ai très mal dormi et me lève avec un mal de tête qui me fait penser au Mal Aigu des Montagnes (MAM) : hier soir, j’ai voulu gonfler un matelas de camping pour rajouter une épaisseur isolante au dessus du matelas mousse fourni par l’expédition et je crois que cet effort a été trop intense. On a aussi mangé de la friture de poissons, un peu lourde à digérer … Je démarre la journée avec un doliprane 1000.


On profite des rayons du soleil pour sécher nos vêtements de pluie.

La mer de nuage dans la vallée est bien belle à observer … ce sera moins drôle quand elle sera montée à notre niveau pour nous envelopper une fois de plus de brume 🙁 On commence à être capable de prédire ce qui va nous arriver …

Nous montons vers le Kibo jusqu’au col de Lava Tower situé à 4 640 mètres. Au passage, quelques espèces végétales bien typiques …



Comme prévu, la brume nous enveloppe quand nous arrivons en haut du col où nous attend un repas chaud.

Le programme d’acclimatation, prévoit que nous dormions à moins de 400 mètres au dessus du camp de la nuit précédente. Aussi, nous redescendons de 680 mètres pour atteindre Barranco Camp sous la pluie à travers un jardin d’immenses séneçons.



Je suis exténuée quand j’atteins les tentes : le guide était très rapide, j’ai essayé de suivre et n’ai fait qu’aggraver mon MAM. Je m’écroule dans la première tente disponible : j’ai juste la force de prendre un comprimé de Diamox et j’essaie de m’endormir sous mon duvet que je n’ai pas la force de déplier. J’ai perdu l’appétit ; j’ai des nausées ; il m’est impossible d’avaler quoi que ce soit. Comme tous les jours, Abeid, fait un reporting de notre état et nous fait mesurer notre fréquence cardiaque et notre taux de saturation en oxygène dans le sang. Tout est normal de ce côté là.
Quatrième journée
Comme les jours précédents, les rayons de soleil du matin nous réveillent avec douceur. J’ai vraiment bien dormi et tous les symptômes de MAM ont disparu. Ouf !

Nous avons droit à une démonstration du caisson hyperbare et des bouteilles d’oxygène.

La pluie s’impose à nouveau très vite et va compliquer la longue remontée de la grande muraille du Barranco notamment lors de passages qui nécessitent de s’aider des mains.


Après une traversée faite de montées et de descentes sur les flancs du Kilimandjaro, nous arrivons dans la vallée de Karanga à 3 995 mètres. Éprouvé par la pluie quotidienne, le moral du groupe est plutôt bas : nous sommes inquiets de ne pouvoir sécher tous les équipements avant l’ascension et en particulier les chaussures sans quoi le risque de gelure est trop important.

Cinquième journée
Fort heureusement, la montée du Karanga Camp au Barafu Camp se fera sous le soleil ce qui nous permettra de sécher toutes nos affaires. « This is Africa » nous dira Abeid. Nous remontons une moraine jusqu’au camp de base.





A droite le Mawezi (5149 mètres) s’offre, majestueux, et au-dessus de nos têtes, notre objectif, le Kibo. Nous arrivons au camp de base à 10 h et nous devons en repartir à 23 h. Repos, préparation de sacs, repas …



Caroline souffre du MAM : Abeid appelle les médecins d’Ifremont. Pas d’ascension si les symptômes persistent voire envisager une descente au camp inférieur à 3 800 mètres, ce qu’elle choisira. A 23 h, une tempête de neige nous tombe dessus : dans nos frêles tentes nous nous inquiétons. 4 participants décident de ne pas tenter l’ascension. Mathieu n’a pas pu dormir mais sinon on se sent bien : on décide de tenter quitte à rebrousser chemin si jamais on n’y arrive pas. Nous ne voulons pas avoir de regret.
Sixième journée
Nous nous engageons donc à 8 à 1 heure du matin, une fois la tempête calmée. Nous partons à la frontale, avec un sac le plus allégé possible, une grosse doudoune et des moufles chaudes en complément, par -10 degrés. Le ressenti est plutôt -15 degrés avec le vent froid qui souffle. Devant nous, un mur à monter, pas à pas, patiemment : les groupes partis avant nous nous montrent le chemin. Quelques points lumineux plus haut balisent l’ascension. A 5 000 mètres, Abeid nous invite à mettre notre doudoune grand froid. Le rythme de marche qu’il adopte ensuite est trop rapide pour moi : je décroche assez rapidement et poursuis seule avec un des guides, Freddy. Voyant que j’ai besoin de reprendre ma respiration, ce qui est assez habituel chez moi quand je n’ai pas un rythme assez lent et régulier, il me propose à plusieurs reprises de m’arrêter et redescendre : je me sens bien et insiste pour poursuivre. La discussion se fait à la radio avec Abeid. La pente est raide et l’ambiance irréelle : après 6 heures de marche, aux premières lueurs de l’aube, nous débouchons sur le cratère à Stella Point. C’est déjà une victoire : je suis recouverte de givre. Je partage une barre de céréales et un peu d’eau chaude de mon thermos avec Freddy avant de poursuivre vers le sommet. Il manque 1/2 heure de marche le long du cratère avec le glacier sur la gauche pour atteindre Uhuru Peak à 5 895 mètres.
Je croise en chemin Mathieu et Quentin et le reste du groupe qui me réconforte en me disant que j’y suis presque.


Chaque pas est une victoire ; chaque pas est un effort ; tout est lent et lourd. C’est un grand moment d’émotions quand j’atteint le fameux panneau que d’autres ont vu sous le ciel bleu sans neige autour.


Notre Kilimandjaro aura été épique : sous la pluie et la neige !
Mon guide m’incite à redescendre rapidement : au delà de 5 400 mètres on est dans la zone de dégradation. Il convient de limiter le temps d’exposition à cette altitude. Je profite de la vue sur le glacier qui se dresse sur ma droite comme un bloc d’orgues.





La descente est éprouvante pour les genoux et les quadriceps : le chemin est constitué de poudre de cendres sur lesquelles on glisse plutôt qu’on ne marche, un peu comme quand on dévale une piste de neige poudreuse.





Bénédicte m’attend en chemin avec un jus d’ananas revigorant et un porteur me propose de descendre mon sac. A l’arrivée au camp de base, je n’ai qu’une envie : m’écrouler dans ma tente ! J’ai l’impression d’être à bout de force. Mais pas de répit : on me demande de refaire mon sac et de libérer la tente. Il est 10 heures du matin : le vent souffle de la poussière. Dans la tente mess, tout le monde a le regard hagard : certains ont été à bout de souffle à Stella Point, d’autres ont eu des hallucinations ou des vertiges …. tous reconnaissent que c’est une sacrée épreuve, la plus difficile qu’ils aient jamais menée à bout. L’appétit n’est pas au rendez-vous : probablement que le MAM nous touche un peu tous. Nous repartons assez rapidement pour Mweka Camp à 3 200 mètres : 4 heures supplémentaires de descente dans un chemin difficile et pierreux finissent de m’achever.

Redescendre à cette altitude est la seule façon de supprimer les effets du MAM. C’est un mal nécessaire. Le camp est en zone humide : on y retrouve nos 5 collègues qui, en nous entendant, se disent qu’ils ont bien fait de ne pas tenter.
Septième journée
Il nous reste 3 heures de descente pour atteindre la Mweka Gate. Cette voie est une voie de ravitaillement seulement. Elle est trop rapide pour être une voie d’acclimatation.

Notre équipe de guides et porteurs nous fait l’immense plaisir de se mettre à chanter et à danser pour marquer la fin de cette épique expédition 🙂
Tout va ensuite s’enchaîner très vite : émargement, transfert en bus pour une séance de shopping, repas dans le bus, douche au lodge de l’aéroport, au revoir rapide avec ceux qui partent plus tard vers Zanzibar … et à nouveau 15 heures de vols et transfert de nuit pour une arrivée à Paris à 7 heures du matin. Nous sommes fatigués mais tellement heureux : nous nous jetons goulûment sur une bonne baguette et des croissants et pains au chocolat tout frais.
On a tous les 3 le sentiment de revenir de très très loin … mais quelle satisfaction ! Quel sera le prochain sommet ?