Maio tient son nom du jour de sa découverte, le 1er mai 1460, en même temps que Santiago, par Diogo Gomes et Antonio da Noli. Elle fut prospère grâce à sa production de sel que les navires anglais venaient chercher pour l’emmener au Brésil.
Vila do Maio, appelée autrefois Vila Do Porto Inglès est un petit village simple, paisible et authentique, aux maisons colorées, préservé du tourisme.






Je m’y suis promenée sereinement avec pour tout bruit de fond le chant des coqs qu’on croise dans les rues et le soir, la musique.

C’est une île de sable presque vierge, bordée d’immenses plages claires à perte de vue et d’eaux turquoises qui toute l’année sont à 25 degrés. Marcher à l’infini les pieds nus massés par le sable fin, franchir courageusement les rouleaux qui viennent insidieusement s’échouer, sentir les alizés à fleur de peau, croiser de rares pêcheurs sur leur coque de noix et observer avec l’oeil du photographe qui cherche à révéler la beauté dans tout ce qui est, tout simplement, sans plus d’artifice.






Tandis que je marche le long de Praia Prata, j’aperçois au loin un groupe. Il s’agit de jeunes pêcheurs en train de remonter activement un filet alourdi par l’eau et les poissons. Je m’invite à leurs côtés en observatrice attentive bien incapable de comprendre leurs vifs échanges en créole.
L’un d’eux parle français : il est fier de m’indiquer qu’une partie de sa famille vit à Strasbourg. Il prend le temps de me montrer comment sortir les poissons des mailles du filet : il dégage d’abord les ouïes puis les écailles une à une, se faisant parfois piquer. Les poissons sont ensuite rincés au moyen d’une cagette ajourée et d’une grande bassine.
La pêche est conséquente. Ils ont dû remonter le filet à plusieurs reprises : une brouette et plusieurs grandes bassines sont déjà pleines de ces petits poissons argentés frétillants. Ils vont les vendre au village après en avoir conservé pour les besoins de leurs familles. J’observe et je ressens la joie que procure ce dur labeur qu’ils mènent à bien tous ensemble.
Les quelques villages de l’île que je traverse sont particulièrement paisibles. On y croise surtout des femmes et des enfants à l’école.




Attirée par un groupe de femmes en train de piler péniblement du maïs, j’ai l’immense honneur d’être invitée par l’une d’entre elles à prendre un café dans sa maison. Dépassée la porte d’entrée, je découvre un enchevêtrement de petites pièces, fraîches, à l’abri du soleil, à peine éclairées par d’étroites fenêtres, peintes, meublées de quelques vieux meubles. La personne la plus âgée ainsi que celles qui gardent des petits enfants dans leurs bras vient me saluer tandis que les autres s’affairent à piler laborieusement le maïs à même la rue.


Au niveau de Figueira da Horta, nous découvrons, au milieu d’un paysage totalement sec, sans aucun arbre, quelques champs cultivés en maraîchage, manifestement irrigués. Des tâches de verdure au milieu du désert de pierre … comment est-ce possible ? Il existe à Maio quelques nappes souterraines exploitées avec des pompes solaires. Quel mérite !



Le Cap Vert manque cruellement d’eau. Les périodes de sécheresse ont marqué son histoire provoquant bien des famines et l’exode. Le pays est importateur d’eau : il expérimente toutes les techniques possible pour réduire ses importations comme la désalinisation.
Maio est véritablement un petit havre de paix authentique, plein de charme en toute discrétion qu’il est urgent de découvrir pour cela.
Le Cap Vert côté galère ou pas
Ce que cette histoire ne dit pas c’est comment ai-je bien pu venir ici … Le fruit d’une succession de hasards sur plusieurs jours. Tout a commencé par l’annulation du vol entre Boa Vista et Santiago : reporté d’une journée par la compagnie Binter, j’ai dû au contraire demander à l’avancer réduisant mon séjour à Boa Vista d’une journée pour ne pas rater mon départ pour Sao Vicente.
Du coup, me voilà une journée de plus en transit à Praia. J’en profite pour passer du temps au marché : il est si animé que j’ai du mal à m’en extraire. J’y passe des heures et y déjeune même sur le pouce. J’observe plusieurs personnes manger une espèce de polenta qu’elles trempent dans une sorte de lait : répondant à ma curiosité, un jeune homme auprès de qui j’ai acheté une assiette de riz et de poisson cuisiné me propose d’en goûter. Contrairement à l’idée que je m’en étais faite, tout est froid et le lait est aigre : je ne trouve pas cela très bon et j’espère que je ne serai pas malade …
Sur la place principale de Plato, par hasard, je retrouve Monica que j’avais rencontrée à Tarrafal : elle part le lendemain pour Maio pour 10 jours, ultime étape de son périple au Cap Vert de 3 mois. Urbaniste, la cinquantaine, elle a changé de vie suite à un burn out : elle voyage depuis 4 ans, travaillant comme volontaire à l’étranger et réalisant quelque missions en Suède en été afin d’épargner pour poursuivre son exploration du monde.


Le jour de mon départ pour Sao Vicente, j’apprends que ce vol ci est lui aussi annulé par Cabo Verde, la 2ième compagnie ! Prochaine disponibilité dans 3 jours !!! Là c’est tout mon programme de randonnées sur Santo Antao qui est remis en cause … J’avais bien lu que les vols intérieurs étaient sujets à annulations impromptues et sur-booking. A la vue du peu de passagers concernés, je comprends que le vol n’est au contraire pas assez plein … Quand on est en situation de monopole, on peut tout se permettre ! Inutile de s’énerver : c’est comme ça.
Je n’ai aucune envie de rester 3 jours de plus sur Santiago que j’ai déjà pris le temps de parcourir. Du coup, j’interroge Binter qui dessert Maio 3 fois par semaine seulement : il y a bien un vol ce jour mais il est complet et on me propose de m’inscrire sur la liste d’attente et d’attendre la fin de l’enregistrement, dans 3 heures. Pourquoi pas mais à condition que je puisse revenir à temps pour attraper mon vol pour Sao Vicente. Ah mais il n’y a pas de vol ce jour-là ni la veille : il faut voir s’il y a un bateau et pour cela se rendre au port ou en ville et je manque un peu de temps pour cela. Face à mon désarroi, l’agent de la compagnie aérienne effectue la recherche pour moi et me confirme qu’il y aura bien un bateau pour me ramener de Maio à Santiago dans 2 jours. J’avais lu qu’il y en avait très peu, qu’il pouvait s’agir de cargos au nombre de places limitées … Je lui fais confiance : il est de Maio. Après 3 heures d’attente la chance tourne en ma faveur : j’ai une place dans le vol pour Maio ! Je retrouve Monica en salle d’embarquement et on nous a même attribué sans le savoir 2 places côte à côte !
J’embarque donc pour un vol d’à peine 10 minutes, de manière impromptue, sans point de chute à l’arrivée, ni billet retour, pour une toute petite île … et je ne l’ai pas regretté. Maio s’est ainsi imposée comme mon étape surprise et sérénité avant d’arpenter les chemins de Santo Antao.
La morale de cette histoire : rester souple, ne pas tout prévoir ni réserver, savoir saisir les opportunités, sympathiser, compter sur la bienveillance des gens pour transformer une possible galère en une belle expérience et goûter ainsi au charme de l’inattendu, se laisser surprendre.