Hornstrandir, le bout du monde islandais

Depuis 1950, plus personne n’habite ici : déclarée réserve naturelle en 1975, on n’y trouve ni route, ni mouton, ni commerce, ni refuge, à l’écart absolu de la civilisation. C’est une des terres les plus sauvages d’Islande : elle est peu accessible car très montagneuse, parsemée de fjords, ourlée de falaises et bordée par le glacier Drangajökull au Sud. Le cercle polaire passe à moins de 10 km de la côte Nord.

Pour y accéder, il faut se rendre à Ísafjörður, chef-lieu des fjords du Nord Ouest et port de pêche encadré de hautes montagnes enneigées en été. West Tours ou Borea Adventures affrètent des petits ferries qui desservent plusieurs points de la réserve. On peut ainsi se faire déposer à un endroit et repartir d’un autre, voire y aller pour la journée.

Tandis que le brouillard glacial s’est abattu, nous embarquons vers l’inconnu : celui-ci se dévoile peu à peu alors que nous nous approchons de la péninsule. Les falaises du fjord non loin du glacier se révèlent tachetées de névés.

Pourquoi venir ici ?

Pour randonner ! La traversée intégrale de la réserve à pied se réalise en 9 jours : elle est réservée à des randonneurs expérimentés en raison d’une météo capricieuse et rude mais également de l’absence de refuge et de ravitaillement. Le risque de tempête est présent : il faut être équipé pour rencontrer du vent, du brouillard, du froid même en été. Il faut être en autonomie totale et traverser à pied un lac sur 500 mètres. Enfin, pour corser encore plus l’aventure, le sentier est très peu voire pas balisé. Un terrain réservé aux amoureux d’aventure et de nature sauvage.

Pour approcher une faune et une flore riche : on y voit des fleurs comme nulle par ailleurs en Islande. Ici elles ne sont pas mangées par les moutons : des orchidées sauvages, des lis des marais … On y rencontre une abondante faune sauvage qui s’épanouit en toute liberté et tranquillité.

On est ici dans le milieu naturel du renard polaire. C’est le seul mammifère natif d’Islande. Il mesure 50 cm à 1 m avec la queue et pèse de 3 à 8 kg. Sa fourrure change de couleur en fonction de la saison : elle est blanche comme la neige en hiver et brun foncé comme la roche en été. Elle est très efficace pour lutter contre le froid jusqu’à – 50° : c’est pour elle que le renard polaire a été chassé jusqu’en 1995. Il vit dans un terrier et se nourrit de petits animaux (lemmings, souris, lièvres), moules, oursins, oiseaux, œufs, carcasses mais également de plus gros tels que des rennes et phoques. Sa gestation dure 50 jours et sa portée peut être de 14 renardeaux. Malheureusement leur espérance de vie n’est que de 3 à 6 ans. Dans cette réserve, il y en a plusieurs milliers sur les 5000 recensés en Islande. Leur effectif est en baisse : le renard roux, plus puissant, a tendance à remonter avec le réchauffement climatique et s’attaque aux renardeaux polaires.

Un bivouac paisible au fond du fjord du bout de l’Islande

Ici aucun port ni jetée : le ferry ne peut pas accoster. Aussi c’est en zodiac, équipés de gilets de sauvetage, que nous débarquons sur ce bout de terre. Il y a ceux qui repartent et celles qui arrivent.

Nous nous retrouvons bien vite seules, au fond d’un fjord, dans lequel un voilier est mouillé. La météo est clémente. La mer est d’huile au petit matin au point où tout s’y reflète à merveille. Aucun bruit ne vient perturber la scène. Tout est paisible. De l’entrée du fjord s’échappe notre regard qui s’accroche sur les parois d’autres fjords de plus en plus loin. Ce bivouac est un des plus beaux de notre voyage. Nous sommes ici pour 2 jours.

Une rencontre inopinée et ô combien magique

Parties pour une journée de randonnée, au passage du col Hafnar Skaro, en plein brouillard, alors que nous avons perdu notre trace et que nous avançons au GPS, nous entendons des voix : à peine avons-nous poussé un ouf de soulagement, rassurées, que nous voilà face à un renard polaire adulte, en train de chasser. Nous stoppons net notre avancée, médusées, admiratives, sans même chercher à sortir nos appareils photos. Il nous tourne vaguement autour, puis, lentement, s’éloigne, comme si nous n’existions pas. La scène a duré quelques minutes que je ne suis pas prête d’oublier, tellement j’étais présente. 

Nous avons ensuite croisé des jeunes nés au printemps, cherchant à grignoter les miettes laissées par les campeurs ou jouant sur la plage. Leur pelage est brun ou roux bien dense et brillant. On dirait des peluches.

L’immense baie de Hornvik, un bout du monde plein de vie

Après avoir installé notre tente à Höfn, nous partons, légères, pour la journée en direction des fameuses falaises de 500 mètres de haut où nichent 5 à 6 millions d’oiseaux marins.

L’immense plage de sable noir de la baie de Hornvik est étonnamment ourlée de sable blond et parsemée de bois flotté provenant des forêts de Sibérie.

Plus loin, en longeant le fjord, nous découvrons des phoques bloqués sur leur rocher à peine immergé : ils me font penser à de grosses limaces.

Tandis que nous prenons le temps de les observer, mes yeux sont attirés par un petit groupe de renardeaux en train de jouer ensemble. Cette scène de vie sera notre cadeau de la nature pour la journée. 

Plus loin, je grimpe jusqu’en haut de l’immense falaise et suis entourée d’une volée d’oiseaux. Ils piaillent et tournoient en masse alors que je suis seule sur ce bout du monde, face au Groenland. Ambiance de fin du monde garantie. Je savoure d’être là, juste là. 

A l’extrême Nord Ouest de l’Europe

Le petit ferry vient nous chercher et comme à l’aller, nous embarquons d’abord sur un zodiac. Le trajet retour nous gratifie d’une vue sur les falaises de l’extrême Nord Ouest de l’Islande. En très peu de temps nous passons d’une ambiance sombre et inquiétante où nous devinons à peine les falaises à travers le brouillard à une ambiance douce et chaude où les falaises s’imposent entièrement entrecoupées de fjords et de baies profondes.

Il n’y a pas à dire, un rayon de soleil et tout devient plus accueillant. Quel contraste avec notre départ d’Ísafjörður  il y a deux jours ! Nous ne soupçonnions pas d’être parties au pied de ce cône et de ces falaises à peine couverte d’une fine couche de végétation.