En juillet 2021, nous nous lançons, ma fille et moi, le défi de nous engager dans notre premier trek en autonomie pendant 4 jours, dans un endroit peu réputé pour la douceur de sa météo mais plutôt pour la beauté sauvage de ses paysages, l’Islande. C’est pour moi la première étape d’une longue immersion dans les hautes terres.
Nous décidons de camper et devons donc porter tente, duvet chaud, réchaud et nourriture pour 4 jours. L’alternative aurait été de réserver à l’avance des places dans les refuges : nous n’avons pas été longues à décider que non, cette fois, nous préférons l’indépendance, la souplesse et l’aventure pour être encore plus immergées.
Notre choix s’avère judicieux dès le départ : mon sac à dos n’est pas présent sur le tapis des bagages à la sortie de l’avion. Il m’est livré avec près de 30 heures de retard, nous obligeant à décaler notre départ, à modifier notre réservation de bus depuis Reykjavik. Les refuges auraient-ils été aussi arrangeants ?
Le compagnie de bus Trex assure tous les jours aussi bien l’aller que le retour sur les 2 points d’entrée du trek. Le bus est équipé de très grosses roues qui le surélève pour pouvoir passer les nombreux gués à l’approche du camp de base de Landmannalaugar : la scène vaut à elle seule le détour ! Ainsi, l’aventure commence à peine un pied posé sur cette île.
L’itinéraire est un “one way” orienté Nord Sud qui peut être réalisé aussi bien dans un sens que dans l’autre. Il est classiquement découpé en 4 étapes ni longues ni difficiles : il peut être prolongé de 2 jours jusqu’à ou depuis Skogar, l’itinéraire passant alors au milieu des glaciers. Malheureusement Gaëlle n’a pas autant de temps disponible. Nous décidons de le parcourir du Nord au Sud : le parcourir dans l’autre sens présente l’avantage de profiter de la source chaude à l’arrivée à Landmannalaugar. A refaire, je prendrai cette option pour bénéficier également d’un arrivée grandiose.
En réalité nous allons parcourir en 2 jours de marche intense les 55 kilomètres. La météo est en effet variable et au moment où nous nous engageons, le 13 juillet 2021, un épisode de froid et de neige est annoncé.
De Landmannalaugar au lac Álftavatn
Avant de prendre le départ, nous ne manquons pas de nous baigner dans le bassin naturel alimenté par une source chaude : seules, les pieds massés par des graviers, le corps suspendu dans l’eau chaude, nous profitons de ce délicieux moment de bien-être avant de charger nos sacs à dos. Le ranger du refuge nous prévient qu’une chute de neige est anticipée.


Très vite nous voilà immergées dans des collines ondoyantes de toutes les couleurs : ocre, jaune, vert, noir … Ici Mère Nature s’exprime avec sa palette d’artiste d’une façon que je n’ai encore jamais rencontrée. Nous avançons les yeux grands ouverts humant les fumerolles et leurs effluves soufrées, arpentant les crêtes des dunes jusqu’à atteindre les doux névés d’altitude. Nous avons l’impression d’être sur des dunes de sable du Sahara : tandis que notre regard se porte sur la droite, nous sentons la terre vibrer, prête à exploser de chaleur ; tandis que notre regard se porte sur la gauche, nous nous perdons, entre les tâches blanches de névé et les tâches noires de lave. Et dans les petits creux, il arrive que des mousses très vertes s’épanouissent. Le contraste des névés avec les terres cendrées est saisissant : j’ai l’impression d’être sur le clavier de mon piano ! La terre nous offre ici une peinture en grandeur nature à l’aide d’une incroyable palette de couleurs.






Le premier refuge est situé au niveau d’un col, en altitude : le gardien nous recommande, si nous avons assez d’énergie, de poursuivre. Ainsi nous allons profiter d’une belle fin de journée et éviter de passer la nuit dans la tente sous la neige et de devoir randonner demain matin sans visibilité, sous la pluie. Les jours étant sans fin à cette époque de l’année, c’est avec beaucoup de plaisir que nous profitons des belles couleurs du site sublimées par la douce chaleur de la lumière de fin de journée. Cette double étape au cœur même de ce massif si spécial est un enchantement.
A la sortie du massif de rhyolite, le point de vue sur le lac Álftavatn nous laisse songeuses : c’est tout là-bas que nous allons planter notre tente ! Des petits volcans couverts de mousse verte pointent leur nez comme des boutons. De là nous apercevons également les calottes glaciaires de l’Eyjafjallajökull, à l’ouest et du Mýrdalsjökull à l’est que nous allons suivre de loin jusqu’à l’arrivée.

Nous suivons longuement une rivière ourlée de mousse spongieuse bien verte tandis que le soleil du soir rougeoie : la lumière est sublime jusqu’à notre arrivée au pied du lac. Le refuge tout en bois vert gris et rouge paraît bien isolé dans ce paysage grandiose entouré d’une multitude de tentes telles des micro bulles multicolores.




Vent et pluie sont attendus demain : le gardien nous invite à partir très tôt ou à nous mettre à l’abri dans le refuge dans lequel il reste quelques places. Étant en avance d’une journée en ayant doublé l’étape, nous acceptons cette solution, histoire de vivre une tempête islandaise dans de bonnes conditions 🙂 Pas folles les mouettes !

En fait nous allons vivre une journée avec des familles islandaises : débarquant en camion camping car 4*4 façon playmobil avec une ribambelle de schtroumph habillés de combinaisons pour pouvoir jouer dehors par toutes les conditions, ils vont occuper l’espace de la pièce commune y compris l’espace sonore en préparant un goûter de pancakes. Dehors, certains jouent aux voitures télécommandées avec des 4*4 qui ressemblent à des bolides endiablés.
Même si on trouve quand même le temps un peu long, je me réjouis d’être à l’abri : les randonneurs qui arrivent sont entièrement trempés jusqu’aux sous-vêtements et chaussettes.
Du lac Álftavatn à Thórsmörk
Nous partons relativement tôt pour la 2ème moitié de ce trek marquée plutôt par des paysages de volcans couverts de mousse, des rivières avec des gués à traverser et de très longues étendues désertiques sur un terrain de lave. Voici donc les paysages typiques de l’Islande que nous avons dans notre imaginaire.

Nous passons successivement 4 gués, les premiers de notre vie, après appréhension, tendues, très concentrées : se retrouver seules devant la rivière ne sachant trop où passer, ni si le courant n’est pas trop fort, ni si ce n’est pas trop profond … met à rude épreuve notre goût de l’aventure. Nous faisons parfois des allers et retours sur plusieurs centaines de mètres pour trouver où traverser tellement, de prime abord, le gué ne nous paraît pas franchissable. Impressionnées par le courant, doutant de la profondeur, nous ne sommes vraiment pas rassurées. Fort heureusement, quelques randonneurs devant nous parfois nous donnent quelques indications : s’ils l’ont fait alors pourquoi pas nous ? Nous avons bien prévu les chaussons de voile et sandales pour ne pas mouiller nos chaussures de randonnée : l’eau est froide, très froide même, et quand le gué est long, il m’arrive même d’avoir mal.

Je me sens en pleine connexion avec la nature et d’une grande humilité tellement nous sommes minuscules dans ce paysage immense, dans des conditions rudes, avec un air de fin du monde. La longue traversée du désert noir de Maelifellssandur est particulièrement impressionnante : au sol, des caillous de lave et de minuscules plantes accrochées désespéremment au peu de sol meuble ; devant nous, un cône volcanique recouvert de mousse verte dont la couleur change en fonction des perçées du soleil à travers les nuages, tantôt vert gris, tantôt vert tendre.


Et la trace serpente ainsi à l’infini, tout en douceur : si les conditions climatiques sont rudes, le relief, lui, est doux.



Du refuge Emstrur Hut, nous avons l’impression de pouvoir toucher du doigt le glacier Eyjafjallajökull. Sa position dominante offre un panorama grandiose. Nous y arrivons tôt sous le soleil et bien que le site soit fort agréable, nous décidons de poursuivre notre chemin, toujours en raison des prévisions météo. C’est bien là tout l’avantage de ne pas avoir de réservation et d’être autonomes : nous avançons à notre rythme, profitons de là où nous sommes, réévaluons pas à pas notre forme et nos envies.
Nous atteignons et longeons ensuite les gorges de la Markarfljót. La lumière est chaude : en suivant une intuition, je me retourne et j’aperçois un arc en ciel d’où on vient : magique ! La fin nous paraît un peu longue et moins excitante : nous décidons, quelques kilomètres avant l’arrivée, de tenter un bivouac sauvage pas très loin de la rivière où nous pouvons prendre de l’eau.


A l’arrivée à Thórsmörk, nous profitons du lodge Bazar Hut, pour prendre un gros petit-déjeuner au buffet en attendant le bus qui doit nous ramener sur Reykjavik, heureuses et pas peu fières de nous. Objectif de progression atteint ! Et belle gestion du trek en fonction de l’aléa météo.
Ce trek ne présente pas d’autres difficultés que la météo qui peut être capricieuse et fort peu agréable : même en été, on n’est pas à l’abri d’une chute de neige … La solution pour profiter de ce site absolument unique, est d’être bien équipé, pour les météos les plus coriaces. Je n’ai trouvé des paysages similaires que sur le site de Hveravellir dans les hautes terres. La variété des terres et la large palette de couleurs donnent au massif son charme unique.